Carnets de lecture : La guerre des métaux rares (2)

Comme nous l’avons évoqué dans notre dernier article, les travaux de Guillaume Pitron montrent comment un monde « bas carbone » est forcément un monde « haute matière ». La transition écologique va notamment nécessiter énormément de métaux, parmi lesquels les terres rares, essentielles sur le plan énergétique et pour le numérique. La Chine s’est affirmée ces dernières années comme l’acteur déterminant dans l’accès à cette ressource. L’Europe se saisit maintenant du problème.

Comment sortir de la mainmise de la Chine, qui chaque année baisse un peu plus ses quotas d’exportation en terres rares et exploite cette ressource dans des conditions sociales et environnementales très discutables ? Faut-il commercer avec les talibans, assis sur de formidables gisements, et financer indirectement une idéologie rétrograde, à l’instar de ce qui s’est produit au XXème siècle avec le pétrole en Arabie Saoudite ? L’Europe doit trouver le chemin de l’indépendance sans renier ses valeurs.

Relocaliser l’industrie minière en Europe : une bonne idée ?

41GKkKyLnL

Guillaume Pitron évoque l’idée de rouvrir des mines en France. Le principal argument pour prendre cette décision est d’ordre environnemental. « La délocalisation de nos industries polluantes a eu un double effet pervers : elle a contribué à maintenir les consommateurs occidentaux dans l’ignorance des véritables coûts écologiques de nos modes de vie, et elle a laissé à des États dépourvus de tout scrupule écologique le champ libre pour extraire et traiter les minerais dans des conditions bien pires que si la production avait été mainte nue en Occident. » Relocaliser l’industrie minière aura nécessairement un coût écologique, mais bien moindre que si celle-ci demeure loin des regards, dans des pays qui ne s’embarrassent pas de considérations sociales et environnementales.

Aujourd’hui, Imerys lance l’exploitation d’une mine de lithium dans l’Allier ; ce projet permettrait de produire assez de lithium pour fournir 700 000 véhicules électriques par an dès 2028 tout en essayant de réduire l’impact sur l’environnement. « Rien ne changera radicalement tant que nous n’expérimenterons pas, sous nos fenêtres, la totalité du coût de notre bonheur standard. La mine responsable chez nous vaudra toujours mieux que la mine irresponsable ailleurs. Un tel choix serait profondément écologique, altruiste, courageux — et conforme à l’éthique de responsabilité prônée par de nombreuses associations environnementales ». Au-delà de la seule extraction de matières premières, l’important est de remonter la chaîne de valeur, avec de nombreux projets de Gigafactories.

Innovation et sobriété

L’innovation peut incontestablement fournir un levier pour réduire cette dépendance, notamment en trouvant des substituts. Le sodium, abondant, pourrait par exemple remplacer le lithium. Mais si l’innovation est une solution, elle ne constitue pas LA solution ; tout ne se règlera pas avec toujours plus de technologie. C’est la raison pour laquelle il faut « en même temps » aller vers plus de sobriété. « Sans vouloir faire rimer sobriété avec décroissance, la meilleure énergie reste assurément celle que nous ne consommons pas ». Il faut donc veiller à restreindre notre usage déraisonné en ressources. Mais cette conversion — ou plutôt ce souhait de conversion — ne parle pas aux pays non occidentaux désireux de copier nos standards de vie. « Aujourd’hui, les Occidentaux voudraient convertir la planète entière à la parcimonie et à la modération. Mais comment nous rendre audibles auprès de milliards d’individus qui rêvent de consommer de la viande à tous les repas, de boire du champagne et de partir se prendre en photo en famille devant la tour Eiffel ? »

Capture decran 2023 06 16 175607
Source : Institut National de l’Economie Circulaire

Pour Guillaume Pitron, la transition écologique présuppose une autre révolution, celle de l’économie circulaire. Selon le cabinet McKinsey, l’économie circulaire permettrait de réaliser une économie nette minimale de 380 milliards de dollars par an en matières premières en Europe. A cela s’ajoute la création de valeur positive, fondée sur la consommation relocalisée, le soutien à une activité industrielle sur les territoires et le développement de nouvelles filières dédiées à la réparation, au réemploi et au recyclage. Il faut créer cette économie réticulaire. C’est la grande révolution à venir.

Crédit Photo : Pixabay – Pexels

Partager cet article