Effet projecteur : comment se libérer du regard de l’autre ?

Le regard de l’autre est souvent perçu comme inquisiteur. Nous nous sentons observés, jugés, critiqués. Conséquence : nous exerçons sur nous-mêmes un contrôle exagéré et nous nous faisons discrets. Quitte à presque disparaître de l’espace social…

Enfant, adolescent et jeune adulte, j’étais très timide. Je n’osais pas prendre la parole en public et me faire remarquer dans un groupe me mettait physiquement mal à l’aise. J’étais accablé par le poids du regard des autres, le sentiment que j’allais provoquer chez eux. Sentiment négatif bien entendu : honte, peur de passer pour un imbécile…

Depuis, je me suis libéré de cette maladie handicapante dont on peut heureusement guérir. La psychologie s’est penchée sur ce phénomène et l’a répertorié sous le nom « d’effet spotlight » ou, en français, « effet projecteur ». L’effet projecteur, mis en évidence par Thomas Gilovich, Victoria Husted Medvec et Kenneth Savitsky [1], rend compte des situations dans lesquelles les gens ont tendance à surestimer l’importance que les autres portent à leurs erreurs ou leur performance, même dans des situations banales​​.

L’expérience du t-shirt « embarrassant »

L’effet projecteur a été mis en évidence par des expériences conçues pour tester la manière dont les gens perçoivent l’attention des autres à leur égard. L’expérience du t-shirt « embarrassant » fournit un exemple d’expérience menée par Thomas Gilovich et ses collègues.

Dans cette expérience, les participants étaient invités à entrer dans une pièce en portant un t-shirt avec une image potentiellement embarrassante (comme le visage d’une célébrité pas très populaire). Ils devaient ensuite estimer combien de personnes présentes dans la pièce remarqueraient le t-shirt. Les résultats ont montré que les participants surestimaient de manière significative le nombre de personnes qui avaient remarqué leur t-shirt. Cela a démontré que les gens ont tendance à croire que leurs actions ou apparences sont plus remarquées par les autres qu’elles ne le sont en réalité.

Ces résultats nous permettent de mieux comprendre comment naît et se développe l’anxiété sociale. Et cette compréhension nous aide à nous en libérer, à relativiser la perception que les autres ont de nous. Autrui est peut-être plus bienveillant que nous l’imaginons. Ou alors tout simplement (et plus sûrement) autrui n’en a rien à faire de nous. L’effet projecteur découle en effet d’une auto-conscience exagérée. Les individus croient souvent que les autres les observent de près, alors qu’en réalité, les gens ne les remarquent pas. Ou du moins pas autant qu’ils le pensent.


[1] Gilovich, T., Medvec, V. H., & Savitsky, K. (2000). The spotlight effect in social judgment: An egocentric bias in estimates of the salience of one’s own actions and appearance. Journal of Personality and Social Psychology, 78(2), 211–222..

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