Le destin de Nauru est tragique, principalement en raison de l’exploitation intensive de ses ressources naturelles et de l’impéritie de ses gouvernants. Son histoire ressemble à une fable qui nous enseigne quelques leçons sur l’avenir de l’humanité tout entière.
Au début du XXe siècle, des gisements de phosphate extrêmement riches ont été découverts sur l’île, ce qui a attiré l’attention – ou plutôt suscité l’appétit – des puissances coloniales. L’extraction du phosphate débute en 1906 au bénéfice de la puissance coloniale allemande. Quand l’Australie investit l’île après la Première Guerre mondiale, elle intensifie l’extraction pour répondre à la demande mondiale croissante d’engrais et d’explosifs. Les réserves de phosphate étaient en effet d’une qualité exceptionnelle…
En 1968, Nauru obtient son indépendance et devient la plus petite république du monde (22 km2). Elle poursuit l’exploitation du phosphate, mais cette fois-ci pour son propre compte. La population s’enrichit considérablement ; le PIB par habitant de l’île devient le deuxième du monde et est trois fois plus élevé que celui des États-Unis. La consommation explose, jusqu’à l’indécence.
Le gouvernement de Nauru, en partenariat avec des compagnies étrangères, dépense inconsidérément les revenus générés par la rente minière. L’île crée sa compagnie aérienne et, en prévision de la fin du phosphate, investit massivement à l’étranger, notamment dans l’immobilier. Des investissements peu diversifiés, sans réel souci de durabilité, mais aussi des dépenses publiques excessives et des affaires de corruption et de détournements de fonds… Nauru ne va pas tarder à payer tout cela.
Très vite, au début des années 90, le temps de l’insouciance est révolu. Les gisements de phosphate commencent à se tarir.
L’économie s’effondre. Les investissements dans l’immobilier à l’étranger ne rapportent rien. Il faut trouver d’autres sources de revenus.
Les mines à ciel ouvert ont détruit une grande partie du paysage naturel, défigurant l’île avec des cratères béants et des étendues désertiques. 80 % des terres ont été dévastées. L’extraction a également entraîné une grave dégradation des écosystèmes insulaires, y compris la destruction de la végétation et la pollution des eaux souterraines. 40 % de la vie marine a été détruite. D’une réorientation de l’économie vers le tourisme, il n’est donc pas question.
Victimes sur surdéveloppement
Les répercutions sanitaires et sociales de cet effondrement économique et environnemental sont considérables. Les emplois liés à l’extraction du phosphate ont été réduits, entraînant un chômage élevé et une augmentation de la pauvreté. De nombreux Nauruans ont été contraints de quitter l’île à la recherche d’une vie meilleure. Conséquence de la surconsommation liée au temps de l’abondance : la population de Nauru a le plus fort taux de diabète au monde et fait face à des épidémies d’obésité et de tabagisme. Les Nauruans, victimes du surdéveloppement…
Aujourd’hui, l’île est dans un état de désolation très avancée. La faune et la flore sont dépeuplées. L’île dépend aujourd’hui fortement de l’aide internationale pour maintenir son économie et ses services publics. Et comme un malheur – dit-on – n’arrive jamais seul, les 11 000 habitants que compte encore l’île sont menacés par la montée des eaux.
En quelques décennies, Nauru aura tout connu, depuis l’insolente prospérité jusqu’à l’effondrement et, avec le dérèglement climatique, un anéantissement peut-être total. Il est sans doute exagéré de considérer l’histoire de Nauru comme préfigurant celle du monde occidental, de se la représenter comme notre histoire en accéléré. Mais avouons que la trajectoire de l’île de Nauru interpelle l’Occidental moyen qui se pose quelques questions sur l’avenir du modèle de civilisation dans lequel il est inséré. L’exploitation irraisonnée des ressources naturelles, un train de vie démesuré et insoutenable, la fin de l’abondance, le manque d’anticipation, l’effondrement, la misère, la disparition… Un tel scénario ne peut que résonner en nous.
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