Permis de Construire : devenir pilote de sa vie

Ludovic Dardenne dirige l’association Permis de Construire, qui propose un accompagnement personnalisé aux personnes condamnées par la justice pour qu’ils construisent leur projet professionnel et personnel. Interview.

Qu’est-ce que l’association Permis de Construire ?

Ludovic Dardenne : Permis de Construire est née en 2010 dans l’esprit d’un chef d’entreprise, Cyril Maury, qui a cherché des solutions aux problèmes liés à la privation de liberté et l’isolement social. Notre mission est d’accompagner tout public justice — c’est-à-dire ayant été condamné au pénal — dans la reconstruction d’un projet de vie. Nous œuvrons à ce que ceux qui ont été à un moment un coût pour la société deviennent un apport pour celle-ci : il y a des gens avec des talents qui ne sont pas insérés dans l’entreprise. Nous travaillons exclusivement avec ce public, parce qu’il a des besoins spécifiques et qu’il est nécessaire qu’une association le rende visible.

Comment êtes-vous structurés ?

L. D. : Avec ce tandem Directeur/Président, l’association marche sur ses deux jambes : d’un côté, il y a l’action sociale, le travail de proximité et une bonne connaissance des enjeux ; de l’autre, la dimension entrepreneuriale, le monde professionnel. Sur le terrain, notre équipe pluridisciplinaire (travailleurs sociaux, psychologues, chargée d’insertion professionnelle) accompagne le public. Ce modèle construit pendant 10 ans est aujourd’hui connu et reconnu des pouvoirs publics et du tissu entrepreneurial local.

Où l’association est-elle implantée et quelles sont ses perspectives de développement en France ?

L. D. : C’est sur le territoire nantais que nous avons bâti un modèle permettant à des personnes volontaires de s’insérer dans la société. Aujourd’hui nous avons une stratégie d’essaimage : Permis De Construire France, accompagne le développement de Permis De Construire départementaux. L’association tête de réseau accompagne les entrepreneurs sociaux qui veulent créer d’autres associations départementales. Depuis 2020, nous avons lancé une antenne à Saint-Nazaire et créé une association dans le Morbihan. Actuellement, nous développons une réflexion d’implantation en Ille-et-Vilaine, dans la Sarthe et en Vendée.

Quelle est la finalité de votre action ?

L. D. : Nous agissons d’un point de vue global autour du projet de vie de nos bénéficiaires, nommés « pilotes », car chez Permis de Construire, chacun est pilote de sa vie, ses projets et ses choix. L’objectif premier est plus vaste que le retour à l’emploi : c’est l’insertion, la remobilisation professionnelle.

Concrètement, comment les entreprises peuvent-elles vous aider ?

L. D. : Il y a un vrai parallèle entre la trajectoire du pilote qui construit sa vie et celle de l’entrepreneur qui bâtit une entreprise : la rencontre entre ces deux mondes est fructueuse pour l’entreprise dans sa dynamique de sens et d’ouverture sociétale.

Concrètement, chaque entreprise peut agir à son échelle ! D’abord par un soutien moral en visibilisant nos actions. Notre voix est peu entendue et les dirigeants peuvent porter notre discours. Nous proposons de sensibiliser les collaborateurs sur ce qu’est la prison pour casser les préjugés et travailler sur des problématiques très concrètes : Quelle est la part de condamnés pour crimes dans la population carcérale ? Seulement 0,3 %. Si un des collaborateurs est soumis au bracelet électronique, avec les contraintes que cela suppose, comment faire pour ne pas perdre ce salarié et avancer malgré tout ?

Une entreprise peut aussi mobiliser ses collaborateurs sur différentes opérations : ateliers rédaction de CV, entretiens d’embauche fictifs ou encore stages d’immersion permettant au pilote de mieux comprendre le métier.

Enfin, le soutien financier est essentiel pour la réalisation de notre mission : il permet de garantir notre indépendance d’action, notre capacité d’innovation et d’être ce maillon entre nos pilotes et le monde professionnel. Le CJD se mobilise pour favoriser l’engagement des entreprises à nos côtés !

Par quels moyens intervenez-vous pour aider les pilotes dans leur insertion professionnelle ?

L. D. : Une chose est essentielle : nous allons chercher l’entreprise qui correspond au projet du pilote. Avant de présenter le pilote à l’entreprise, nous réalisons un travail de 6 mois minimum sur les freins à l’emploi (logement, addiction, etc.) et l’élaboration du projet professionnel. Souvent, ceux qui ont eu affaire avec la justice vont vers l’emploi sans identifier ce qui fait sens pour eux professionnellement. Notre rôle est d’être à leurs côtés dans la définition d’un projet utile, choisi et pérenne. Ensuite, à nous de chercher l’entreprise qui a des besoins en lien avec ce projet et qui est dans une dynamique d’intégration.

Une fois le pilote dans l’entreprise, une relation tripartite avec l’association se met en place, car à ce moment-là, rien n’est réglé, il peut y avoir des frictions. Notre accompagnement permet à l’entreprise de se concentrer uniquement sur la dynamique professionnelle du pilote. Nous répondons à toutes les demandes annexes.

Sur quels piliers votre action se fonde-t-elle ?

L. D. : Notre modèle est construit autour de fondamentaux. L’insertion professionnelle est possible si des conditions préalables sont remplies. Parmi ces fondamentaux : le « bien-vivre », à savoir l’accès au logement, à la culture, aux droits, aux minimas sociaux ; mais également le bien-être physique (limites physiques, addictions), le bien-être psychologique et le développement de l’estime et la confiance en soi. Notre équipe de copilotes, tous travailleurs sociaux diplômés, accompagne nos pilotes, à raison d’un rendez-vous chaque semaine pour capitaliser sur leurs expériences individuelles et maintenir une dynamique positive. Par ailleurs, nous nous appuyons beaucoup sur le collectif : activités socio-éducatives (remise en forme, jardinage qui permet d’expérimenter la patience…) et modules formatifs permettent d’aborder les problématiques transverses à tous les pilotes.

Combien de temps votre accompagnement dure-t-il ?

L. D. : Notre accompagnement n’a pas de temporalité : certaines personnes sont accompagnées 4 ou 5 mois, d’autres 2 ou 3 ans, selon leurs besoins. La seule porte d’entrée est la motivation : « si tu veux t’aider, alors nous t’aiderons ». Nous prévoyons ensuite un mois d’accueil et d’interconnaissance. Nous regardons nos bénéficiaires comme des personnes qui ont des ressources pour rebondir et non comme des personnes avec un passé judiciaire d’anciens détenus. Plus de 90 % des personnes qui intègrent l’accompagnement vont au bout de celui-ci.

Pour en savoir plus, rendez-vous sur le site et le LinkedIn de l’association ou contactez ludovic.dardenne@assopermisdeconstruire.org.

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