Zone euro : quelles perspectives ?

En cette fin d’année 2021, la zone euro est confrontée à une série de chocs économiques qui remettent en cause sa croissance et sa cohésion. Le manque d’énergie pourrait provoquer l’arrêt des usines, en particulier en Allemagne qui est le premier pays industriel d’Europe. La disparition des gains de productivité sur fond de recul de la population active entraîne une décrue de la croissance potentielle. Face à la résurgence de l’inflation, la hausse des taux d’intérêt, bien que modeste, risque de provoquer une nouvelle récession. Elle peut faire ressurgir une crise des dettes souveraines qui mettrait sous tenson la zone euro. Au sein des États, les populations sont divisées sur les modalités de la transition énergétique.

En raison de sa dépendance aux importations russes de gaz et de pétrole, l’Europe doit tout à la fois faire face à un risque de pénurie et à l’augmentation des prix de l’énergie. Avant même la guerre en Ukraine, le coût élevé de l’énergie était déjà un problème. La transition énergétique donnait lieu à des réactions d’hostilité au sein des populations des États membres. En France, l’essor des « gilets jaunes » s’est effectué sur fond de taxe carbone. La multiplication par dix du prix du gaz et de l’électricité est pour l’Europe une remise en cause de son modèle. Dépendante des importations pour l’énergie et pour un grand nombre de matières premières, l’Union européenne n’avait pas jusqu’à maintenant mis en place de réelle politique énergétique communautaire même si l’accès au charbon fut à l’origine de la construction européenne. La coopération dans le domaine nucléaire avait périclité du fait des oppositions d’un nombre élevé d’États. Demeurait le projet Iter qui concerne par ailleurs des États non européens.

Le gaz neuf fois plus cher qu’en 2019

Avant même la survenue de la guerre en Ukraine, les pays européens étaient confrontés à une hausse des prix de l’énergie du fait de la forte demande post crise sanitaire et des surcoûts générés par la transition écologique. L’arrêt des importations en provenance de Russie provoque une raréfaction de l’énergie disponible. Les cours du pétrole se sont stabilisés autour de 90 dollars le baril du fait des décisions américaines de puiser dans leurs réserves, de la légère augmentation des quotas de production de la part de l’OPEP, et du ralentissement de la croissance. À la différence du gaz, les pays importateurs peuvent arbitrer entre un grand nombre de pays producteurs. Le pétrole est, en outre, plus facile à transporter que le gaz. Ce dernier est vendu neuf fois plus cher en septembre 2022 qu’en 2019. Le recours au gaz liquéfié a pour limite les capacités de transports et de liquéfaction.

Le risque de pénurie et l’augmentation des prix pèseront sur la production industrielle européenne qui peine à retrouver son niveau d’avant crise sanitaire. La zone euro est aussi touchée par la disparition des gains de productivité du travail qui résulte du recul de la durée du travail, du rejet des emplois pénibles, à horaires atypiques, ainsi que par le vieillissement démographique. Dans ce contexte, les perspectives de croissance potentielle sont mauvaises.

La zone euro qui a longtemps bénéficié des excédents des pays d’Europe du nord et de l’Allemagne pourrait enregistrer un déficit de la balance commerciale en raison de l’augmentation du prix des matières premières et de l’énergie ainsi que de la baisse des exportations industrielles.

La compétitivité de la zone euro sera dégradée par l’inflation qui pourrait être plus longue à se résorber que prévu. Face à une installation dans la durée de l’inflation, la Banque centrale européenne pourrait être contrainte de relever plus fortement ses taux dans les prochains mois avec, comme conséquence, une probable récession. La hausse des taux d’intérêt pourrait réduire les possibilités pour les États de mener des politiques budgétaires expansionnistes. Les politiques de soutien aux ménages seront plus compliquées à financer. Il en sera de même pour les mesures en faveur de la transition énergétique. Les dépenses de retraite qui devraient augmenter rapidement dans les prochaines années seront également une source de tension au niveau des finances publiques.

La zone euro peut entrer dans une période de faible croissance qui pourrait accroître les inégalités. L’insuffisance de matières premières et d’énergie bon marché peut accentuer la désindustrialisation. L’Amérique du Nord en disposant d’une énergie plus abondante a un avantage comparatif évident. Il est donc urgent pour l’Europe de mettre en œuvre une politique commune de l’énergie. La création d’un vaste marché de private equity européen devrait être favorisée afin de pouvoir drainer des capitaux en faveur de l’industrie. La question de la soutenabilité des dettes publiques peut entraver l’essor des États européens. Le développement de moyens financiers de nature fédérale sera sans nul doute incontournable pour permettre le financement notamment de la transition énergétique.

Crédit Photo : Can Stock Photo – iloveotto

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