Test : êtes-vous atteints de néolibéralite aïgue ?

Bernard Arnault a annoncé lundi un don de 10 millions d’euros aux Restos du cœur, en difficulté financière. On ne peut que saluer le geste du patron du groupe LVMH.

Oui mais des pisse-froid ont encore critiqué la générosité de Bernard Arnaud. La raison ? LVMH est adepte de l’optimisation fiscale, comme la totalité des très grandes sociétés. Rien d’illégal bien sûr, mais un constant effort de se soustraire à l’impôt par toute une série d’astuces qui font le bonheur de cabinets spécialisés. Ainsi, en 2018, 305 filiales de LVMH se situent dans des paradis fiscaux (soit 27 %, le plus fort taux du CAC 40) dont 24 au Luxembourg. La Cour des comptes a également montré comment Bernard Arnault et LVMH utilisent la fondation Louis Vuitton comme un outil d’optimisation fiscale leur ayant permis d’économiser 518 millions d’euros d’impôts. Qu’en est-il aujourd’hui, en 2023 ? Pas sûr que les choses aient beaucoup changé.

Alors que les Français sont victimes de l’inflation, en particulier de l’augmentation des prix des denrées alimentaires et de l’énergie, nous apprenons que les cours des matières premières ont baissé ces derniers mois, mais que les industriels tardent à répercuter leurs prix à la baisse, préférant améliorer leurs marges. Conséquences : les files des banques alimentaires s’allongent. Objectivement, les Français s’appauvrissent, contrairement à bon nombre de grands groupes qui tirent les marrons du feu.

C’est dans ce contexte « difficile » que l’aumône — appelons les choses par leur nom — de Bernard Arnault tombe à pic pour soulager, quelques mois durant, les Restos du cœur. Mais qu’adviendra-t-il dans un an ? Serons-nous contraints d’assister au même petit manège ?

Et si une solution pérenne consistait pour LVMH à renoncer aux paradis fiscaux, à arrêter d’optimiser son impôt par tous les moyens possibles et imaginables ? C’est-à-dire s’en acquitter chaque année à taux plein, sans sourciller, comme n’importe quelle PME française. Bref, jouer le jeu de la solidarité nationale et non plus celui de la charité ponctuelle. Plus besoin alors de renflouer périodiquement les associations humanitaires. Finie également la lente et irrépressible dégradation des services publics.

Cette « affaire » révèle deux phénomènes très étranges, phénomènes dont il serait intéressant de tracer l’origine et le développement. Le premier : qu’est-ce qui s’est passé dans les esprits pour qu’oser dire que les entreprises doivent se soumettre à l’impôt fasse de vous automatiquement un dangereux gauchiste ? Le second : par quel tour de passe-passe les Etats ont-ils pu accepter sans broncher de se faire léser par les multinationales ?

Si pour vous il est naturel que les entreprises paient le moins d’impôts possible pour « libérer » le maximum de dividendes pour les actionnaires, si pour vous il est normal que les Etats tolèrent de se faire appauvrir de la sorte, alors j’ai la tristesse de vous informer que vous êtes atteints d’une néolibéralite aïgue. Vivre avec cette maladie lourde n’est cependant pas une fatalité. Un conseil : ne restez pas isolés et sollicitez le soutien du CJD.

Crédit Photo : Can Stock Photo – Eraxion

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