Gaslighting : une manipulation domestique… et politique

Dans le film « Gaslight », Paula Alquist, jouée interprétée Ingrid Bergman, est victime d’une forme de manipulation particulièrement perverse de la part de son mari Grégory. Une des techniques employées par Gregory est de jouer avec les lumières de la maison, alimentées au gaz, qui semblent baisser sans raison apparente. Lorsque l’épouse mentionne les changements dans les lumières, son mari les nie, contribuant ainsi à son état de confusion et de doute.

Le jeu avec les lampes à gaz est symbolique et central dans l’intrigue. Central, car il est le cœur de la manipulation subtile et persistante que le mari exerce sur son épouse. Symbolique, car la baisse d’intensité des lumières est une métaphore de l’extinction des facultés de raisonnement de Paula, qui croit devenir folle. Cet élément est également parce qu’il donne naissance au terme « gaslighting », qui est maintenant largement utilisé pour décrire cette forme de manipulation psychologique où une personne fait douter une autre de sa mémoire, de ses perceptions, de ses jugements.

Si le gaslighting, à l’origine, décrit une dynamique abusive dans un mariage, le concept a évolué pour devenir un terme clé en psychologie aux États-Unis, puis un instrument critique dans le mouvement féministe. Reconnaître le gaslighting implique d’abord d’identifier les abus subis par les victimes, souvent des femmes, et les tactiques utilisées pour brouiller leur statut de victime — le gaslighter étant particulièrement habile à inverser les rôles.

Plus récemment, le mot gaslighting a été utilisé pour caractériser un certain type de discours politique trompeur et les violences qui en découlent. C’est l’histoire de ce concept et de ses implications que retrace le livre de la philosophe Hélène Frappat, paru en octobre dernier aux Éditions de L’Observatoire.

Vérités alternatives

Pour la philosophe, le terme « gaslighting » est étroitement lié à la notion de « post-vérité ». Donald Trump est l’exemple du politique utilisant le gaslighting pour manipuler les masses. « En cette période de désinformation — de fake news, de théorie du complot, de trolls sur Twitter, et de deep-fakes — gaslighting a émergé comme un mot définissant notre époque. Véhiculant le doute et la méfiance, le gaslighting est » l’acte ou la pratique consistant à induire quelqu’un totalement en erreur, surtout à des fins personnelles. » En politique, le gaslighting se manifeste lorsque la vérité et les faits sont intentionnellement obscurcis ou niés, comme dans le cas de Trump niant la pluie lors de son investiture ou contestant la régularité de l’élection présidentielle et la victoire de Joe Biden.

Malgré sa redoutable efficacité, le gaslighting n’est pas infaillible. Hélène Frappat, après avoir exploré de nombreux exemples de gaslighting dans le cinéma et la littérature, identifie une contre-stratégie : l’ironie. En utilisant cette parade, il est possible de perturber le fonctionnement du gaslighting et de confondre celui qui en est l’auteur.

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