Marc Halévy : l’avenir des entreprises en 5 questions

Marc Halévy est un physicien de la complexité et philosophe. Prospectiviste de renom, il est intervenu au congrès national du CJD pour réfléchir sur les cinq évolutions majeures de nos sociétés et de nos entreprises.

Comme tous les 500 ans nous vivons une époque chaotique, une époque charnière au cours de laquelle un monde meurt et un autre apparaît. La COVID et la guerre en Ukraine ont accéléré la bascule d’un monde à l’autre. « Nous sommes en fin de grossesse. Nous vivons les douleurs de l’enfantement. » Dans ce Nouveau Monde, les entreprises doivent s’adapter. Elles doivent impérativement construire leur avenir autour de 5 axes.

1 — La fin de l’abondance en ressources

En 150 ans, nous avons consommé 80 % des ressources non renouvelables. Les énergies renouvelables constituent bien entendu une solution, mais avouons que les technologies nous permettant de passer à du 100 % renouvelable sont encore loin d’être au point. « Il ne faut pas rêver ». Plutôt que d’imaginer pour demain des solutions technologiques au problème, agissons d’abord aujourd’hui à réduire notre consommation. L’urgence consiste à réinventer une autre façon de fonctionner, de faire mieux avec moins. En un mot, aller vers davantage de frugalité.

2 — La fin du salariat

Le télétravail et l’outil qui le rend possible et acceptable — la visioconférence – ont, le temps des confinements, éloigné les salariés de leur lieu de travail. Premier coup de boutoir donné au salariat. Mais plus profondément, c’est le contrat de travail lui-même qui est attaqué, à savoir la formalisation d’obligations s’appuyant sur un lien de subordination. Nous voyons aujourd’hui émerger le nomadisme du travail et des métiers. Pas de lieux fixes, mais aussi pas de métiers précis. Les slashers combinent différentes expériences et expertises, exercées sous le statut de salariés, mais aussi et le plus souvent comme indépendants.

3 — La fin des organisations pyramidales

C’est la conséquence directe de la fin du salariat. Le lien hiérarchique s’effrite au profit de l’horizontalité et du mode projet. Les organisations évoluent en réseau d’associés. Dans les organisations, il faut travailler sur la complémentarité des compétences, plutôt que de rester sur des logiques d’égalité et de supériorité hiérarchique.

4 — La fin de l’économie de masse et des prix bas

Tendre vers la frugalité, c’est se focaliser sur la valeur d’utilité, passer de la productivité à la virtuosité, c’est-à-dire produire des objets et services de grande valeur. Nous changeons alors de logique et passons d’une logique du chiffre d’affaires à une logique de la marge.

5 — La quête de la finalité

Au fond, l’entreprise, ça sert à quoi ? Quel est le projet ? Au service de quoi ? Au service de qui ? La responsabilité sociale des entreprises nous oblige à penser la quête du sens. L’entreprise ne doit plus être considérée comme un lieu de production dont la seule finalité est le profit. « Notre monde n’a plus de sens : nous avons à le construire ». Belle conclusion.

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